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DENIGREMENT D’UN NON CONCURRENT : ATTENTION DANGER QUAND MEME !

DENIGREMENT D’UN NON CONCURRENT : ATTENTION DANGER QUAND MEME !

Publié le : 25/02/2019 25 février févr. 02 2019

Il n’est pas toujours facile de lire un arrêt de la Cour de Cassation. Mais il est parfois encore plus difficile d’appréhender la portée de certains de ses arrêts. Cependant il arrive que d’autres, à travers un « attendu » très bref doit d’un enseignement très clair.

Tel est le cas de l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 09 janvier 2019 (Cass. Com. 09 janvier 2019 n° 17-18350. FS + P + B).

Cet arrêt est sans aucun doute important pour elle au regard de la publicité qu’elle lui donne à travers ses publications, mais il est aussi important pour un juriste car il peut sembler que la Cour, après une analyse des faits précise, statut comme un troisième degré de juridiction !

Les enseignements à tirer pour la pratique quotidienne des affaires, dans un monde où la concurrence est âpre parfois, doivent être soulignés pour éviter d’être confronté à des demandes d’indemnisation pour faits de concurrence déloyale fondés sur des « agissements dénigrants ».

Il convient de rappeler les faits qui ont conduit la Cour de cassation à censurer la Cour d’Appel et retenir le principe d’une condamnation possible d’une entreprise qui n’était pas en situation de concurrence direct avec celle qui s’est plainte de ses agissements et lui a semble-t-il causé un préjudice.

Nous étions en présence d’une société qui fabrique et vend notamment des meubles de jardin en plastique qu’elle commercialisait par l’intermédiaire d’un agent commercial.

Cette société a considéré qu’une société Italienne contrefaisait des modèles européens protégés et l’a assignée en contrefaçon le 06 août 2012.

C’est alors que l’agent commercial décide de divulguer l’existence de cette action dès le 29 août 2012 aux distributeurs de la société Italienne qui a vu certains d’eux renoncer à leurs commandes.

La Cour d’Appel, juge du fond c'est-à-dire des faits auxquels elle va appliquer le droit, considère alors que la divulgation à la clientèle ne constituait pas un procédé déloyal en l’absence de caractère non objectif, excessif ou dénigrant voire mensonger des informations communiquées ou encore des propos menaçants tenus à l’égard des distributeurs, seuls éléments susceptibles pour elle de caractériser un procédé déloyal.

Le visa de l’arrêt, caractéristique lorsqu’il y a une cassation est riche de portée en rappelant : « attendu que, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation par l’une d’informations de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre, constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

Un principe assez général qui conduit à voir que la Cour de Cassation qui est en principe juge du droit et de la forme et non du fond allait sans doute aller un peu plus loin dans son rôle.

L’attendu final tend à le démontrer en exposant : « qu’en statuant ainsi alors que la divulgation à la clientèle –par l’agent commercial ndlr- d’une action en contrefaçon n’ayant pas donné lieu à une décision de justice dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu’elle ne reposait que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constituait un dénigrement fautif, la cour d’appel a violer les textes susvisés ».
Or la cour de cassation vise dans son chapeau introductif à son arrêt les articles 1382 devenue 1240 du code civil et surtout 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales !

Sans aucun doute un arrêt de principe.

Ce qu’il faut retenir : pas besoin d’être concurrent pour se plaindre d’actes de concurrence déloyale et poursuivre une personne qui a tenu des propos dénigrants vos produits et la divulgation d’une action en justice qui n’ pas donné lieu à décision et qui est dépourvue de base factuelle suffisante peut vous conduire tout droit vous aussi devant le tribunal et vous exposer à devoir payer des dommages et intérêts !

Conclusions : mesurons bien la portée de nos actes voire de nos propos surtout si cela peut avoir pour motif d’aider une autre personne comme était peut-être le cas ici !

Maître Bruno DENIS
Avocat
Ancien Bâtonnier
SAINT NAZAIRE/NANTES

 

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