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SUITE DU MARATHON JUDICIAIRE A L’ORIGINE DE LA JURISPRUDENCE SUR LA DECLARATION PREALABLE DU FICHIER CLIENTS AUPRES DE LA CNIL

SUITE DU MARATHON JUDICIAIRE A L’ORIGINE DE LA JURISPRUDENCE SUR LA DECLARATION PREALABLE DU FICHIER CLIENTS AUPRES DE LA CNIL

Auteurs : Bruno DENIS, Maxime HERRSCHER
Publié le : 28/12/2020 28 décembre déc. 12 2020

LA QUESTION DE LA RESPONSABILITE POUR « FAUTE DETACHABLE » ET LA PRESCRIPTION SPECIALE

Certains se rappelleront cette affaire judiciaire concernant l’obligation de déclarer un fichier clients auprès de la CNIL, d’une part au travers de l’arrêt de la Cour de cassation, ayant eu les honneurs des publications FS-P+B+I , et de l’arrêt de la Cour d’appel saisie sur renvoi.

La Cour de cassation avait précisé, sous le visa de l’article 1108 du Code civil, ensemble l’article 22 de la loi du 06 janvier 1978, dans un attendu de principe que « tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la C.N.I.L. et que la vente par la société venderesse d’un tel fichier qui, n’ayant pas été déclaré, n’était pas dans le commerce, avait un objet illicite, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés », renvoyant en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.

Saisie sur renvoi la Cour d’appel avait infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, avait annulé la vente du fichier clients du 10 décembre 2008 et condamné la société venderesse à verser au cessionnaire le prix de vente et condamné le cessionnaire à restituer la liste des clients référencés dans un fichier manuscrit et classé, outre le fichier informatisé.

Cette affaire s’est poursuivie au regard de la responsabilité personnelle des deux anciens co-gérants de la société venderesse, le cessionnaire entendant obtenir le remboursement du prix de cession, faute pour la société d’être en mesure de le faire, étant en liquidation amiable et de ne disposer d’aucun actif.

Anticipant cette situation, le cessionnaire avait, dès 2013, assigné les deux co-gérants, devant la juridiction civile sous le visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, estimant qu’ils avaient commis « une faute détachable de leurs fonctions » de co-gérants en lien avec son préjudice.

Un sursis à statuer avait été ordonné par le juge de la mise en état en raison de la procédure devant la Cour d’appel de RENNES.

Après l’arrêt sur renvoi de la cour de cassation le cessionnaire a relancé son action.

Les deux anciens co-gérants ont alors opposé une incompétence de la juridiction civile au regard de l’application exclusive de l’article L.223-22 du Code de commerce et la compétence exclusive de la juridiction commerciale .

En effet jusqu’à présent lorsque les pourvois qui lui sont soumis font référence à l’article 1382 du Code civil, la Cour de Cassation se borne à remplacer ce texte dans ses visas par les dispositions spéciales de droit des sociétés commerciales et tout particulièrement l’article L.223-22 du Code de commerce pour les SARL, et l’article L.225-251 dudit Code pour les SA .

Le Juge de la mise en état s’est déclaré incompétent renvoyant les parties devant la juridiction commerciale.

Le cessionnaire a maintenu ses prétentions devant la juridiction commerciale en soutenant que la prescription était quinquennale au regard de l’article 2224 du Code civil et subsidiairement que c’était à compter de la date de connaissance des faits que le délai devait démarrer, invoquant les notions de « dissimulation » et « révélation » prévues par l’article L.223-22 du Code de commerce.

En réponse les anciens co-gérants ont opposé in limine litis la prescription de l’action car la notion de faute séparable a pour objet de soumettre la responsabilité civile des dirigeants visés par l’article L.223-22 du Code de commerce à un régime homogène, l’article L.223-23 édictant une prescription de 3 ans pour agir à partir du fait dommageable et s’il a été dissimulé par les gérants, à partir de sa révélation.

La prescription triennale est la seule applicable en l’espèce, les dispositions des articles L.223-22 et L223-23 étant d’ordre public.

Par ailleurs la jurisprudence a toujours considéré que s’agissant d’une action en réparation des conséquences de conventions irrégulières, en l’absence de toute dissimulation, le fait dommageable, constituant le point de départ de la prescription triennale, est la conclusion desdites conventions .

En conséquence le cessionnaire est prescrit s’il ne rapporte pas la preuve d’une dissimulation ou mauvaise foi pouvant reporter le point de départ ; rappelant qu’aucune décision à l’époque n’avait abordé la question la sacro-sainte déclaration du fichier clients.

Dès lors le cessionnaire ne peut pas engager la responsabilité personnelle des dirigeants s’il ne peut rapporter la preuve  d’une faute détachable de leurs fonctions qui leur soit imputable personnellement  ; ni une faute intentionnelle et d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal desdites fonctions , ni de manœuvres dolosives , comme cela est prévu par la jurisprudence.

C’est pourquoi, par jugement du 16 janvier 2019 , le Tribunal de commerce a déclaré le cessionnaire prescrit et irrecevable en ses demandes et l’en a débouté.

Le cessionnaire du fichier clients vient d’interjeter appel de cette décision et il faudra attendre la décision de la Cour de RENNES pour valider cette question procédurale !

***

Me Bruno DENIS, Avocat senior associé
M Maxime HERRSCHER, Juriste

Article rédigé pour le compte de la SCP CADORET-TOUSSAINT DENIS ET ASSOCIES
Société d’avocat interbarreaux de NANTES et SAINT-NAZAIRE

  Cass. com du 25 juin 2013 n°12-17.037
  CA RENNES, 3ème ch. com. 19 mai 2015 RG 13/05733
  Cass.com. 27 octobre 2009 n°08-20.384 RJDA 1/10 n°51 / Cass.com. 7 avril 1967 : D.1968, JP, p.61, note Calais-Auloy
  Cass. com. 27 janvier 1998 n° 313 RJDA 5/98 n° 610 / Cass. com. 28 avril 1998 n° 961 RJDA 7/98 n° 874
  Cass. com. 21 janvier 1997, n°94-18.883 P : D. 1998. 64
  Cass. com., 28 avr. 1998, n° 96-10.253, Cass. 3e civ., 4 janv. 2006, n° 04-14.731, n° 1 FS - P + B / Cass. com., 23 nov. 2010, n° 09-15.339
  Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092, n° 851 FS - P + B + I
  Cass. com, 12 juin 2007, n°06-16.247, F-D
  T.com SAINT-NAZAIRE 16 janvier 2019, RG 2018000413


 

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